samedi 18 mai 2013

Londres

     Londres, et ses nuages gris aux reflets blancs comme si une pile électrique était allumée derrière ces masses de coton irrégulières. Le bruit des rues envahit le passant, du chien qui aboie - caniche blanc, d'ailleurs, manteau écossais, qui promène une grand-mère aussi blanche et frisée que lui - du chien qui aboie, donc, au vélo qui passe dans la flaque, du bus rouge traînant avec lui de l'image de la dernière star à la mode, à  l'homme d'affaires qui crie à son téléphone, croyant peut-être qu'ainsi il entendra mieux ce qu'on lui dit. Et l'on entend tous ces klaxons, ces taxis qui ne diffèrent les uns des autres que par leur couleur : des taxis noirs, des taxis gris, des taxis roses et bleus, des taxis blancs à fleurs jaunes et rouges et des taxis bleu ciel, avec des nuages blancs sur les portières, tous ces taxis arrêtés en file indienne à un feu rouge, et qui au feu vert roulent chacun dans la même flaque d'eau l'un après l'autre. Face à la National Gallery les lions dorés montrent les crocs, sortent leurs griffes et attirent les enfants qui veulent tous être sur leur dos. Face à la National Gallery les fontaines font écho à la bruine, et un homme très long, manteau noir, chapeau noir, écharpe noire qui vole au vent comme celle du Petit Prince, trace au sol de grands dessins à la craie, suite d'images des lieux qu'il a vus, de la taille des dalles qui pavent la place, et même la pluie discrète ne les efface pas, sachant bien qu'il y remettra de la couleur le lendemain. Les gens passent dans les flaques, certains évitent les dessins, d'autres non. Quand il pleut vraiment, tous les Anglais se transforment en champignons noirs sans ralentir leur pas, et l'homme à la craie, sous ce toit fluide et grouillant, ne cesse pas de dessiner.