dimanche 29 juillet 2012

Rhoda

Voici Rhoda dans le sentier : elle berce un bassin brun plein de pétales de fleurs.


- Tous mes vaisseaux sont blancs, dit Rhoda. Je ne veux pas de pétales rouges de roses trémières ou de géraniums. Je veux des pétales blancs qui flottent quand je penche le bassin. J'ai maintenant une flotte qui vogue de rive en rive. Je vais laisser tomber une brindille : elle servira de radeau pour un marin qui se noie. Je vais laisser tomber un caillou, afin de voir un bouillonnement monter des profondeurs de la mer.

Virginia Woolf, Les Vagues
traduction Marguerite Yourcenar

Curiosité V




















Ramassée. Elle est un peu serrée, ramassée sur elle-même et tout ce qui l'entoure semble graviter autour d'elle.
Voici l'une de ces maisons aveugles, de celles qui ne sont pas sur la carte, une de ces maisons qui jaillissent du sol quand on ne s'y attend pas,
demeure éloignée
de celles qui poussent les autres, qui effacent les autres et qui pointent, et qui crient, qui invitent et rejettent, disparaissent en un instant.


mardi 24 juillet 2012

Paris à ces heures

Des gens. Des gens assis les uns sur les autres, collés aux vitres, coudoyant des inconnus et qui attendent, et qui prennent l'air de penser à autre chose, des gens dont les deux extrémités des lèvres n'en finissent pas de tomber, quand levant les yeux regardant à travers les vitres, ils calculent en silence le temps qu‘il leur reste à passer là. Mais il fait noir et les vitres font miroir plus profonde se fait la foule immobile et rapide. Et la lumière est intermittente, une ampoule qui ne fonctionne plus, le wagon vacille de droite à gauche dans un bruit de ferraille affûté tranchant - transperçant. Le wagon est noir deux secondes, il est noir dix secondes et quand la lumière vient c'est ce gouffre d'inconnus remuants qui se reflète dans les vitres immenses. Les élans nasillards de l'accordéoniste monté discrètement commencent à trottiner dans mes veines et oh ! Non. Dix arrêts, encore et l’accordéon -, encore à rester là, sans pouvoir bouger ; car il y a trop de personnes immobiles - il siffle - immobiles autour de moi ; et si cette lumière pouvait cesser son cliquetis d'insecte et si ce grouillement triste murmures doigts qui claquent téléphones, touches du téléphone, appel téléphonique, sonnerie du téléphone, stridulations dans le wagon, murmures et doigts qui craquent - si tous ces bruits se déliaient tout d'un coup à l'air pur, alors mon sang cesserait de s'affoler ainsi, et les petites pattes crochues de l'accordéon ne pourraient plus trotter dans mes veines. Mais enfin ma tête bourdonne, il fait chaud, il reste dix arrêts, encore, dix arrêts, à attendre, et la lumière qui s‘insinue toujours, brûlante d‘un venin impalpable, m'aveugle, tandis que les gens s'entrechoquent au moment de l'arrêt - mais ce n'est pas encore celui là. Le wagon se lève il s‘en va, reprend son vacillement et je serre un peu plus fort l'inutile barre de maintien quand trois nouveaux inconnus viennent se coller à moi parce qu'il n'y pas de place.

samedi 21 juillet 2012

des visages

Je sais. Oui, maintenant je sais à peu près quelle forme ont tes yeux. Tu sais comme c'était difficile. Dans la rue, j'ai cru les voir partout, ils étaient flous ils avaient sans doute perdu leurs contours comme une mer gonfle, brise tranquillement ses digues et part à l'aventure. Alors ils sont là, vagabonds, hésitant au coin des rues, hésitant entre un visage un autre, cherchant un visage qui ressemble au tien. Mais tes yeux, le sais-tu, n'ont jamais connu ton visage. Un a un ils essayent les visages, des figures comme on enfile au hasard un vêtement prêté, ils se serrent pour ne pas déborder. Ils peuvent longtemps hésiter, longtemps croire être arrivés ; jusqu'à ce que la personne dont  ils habitent le visage rentre chez elle. Ayant fermé sa porte elle retire le visage et de nouveau délogés, vagabonds, tes yeux s'en vont occuper d'autres visages vides, visages ouverts à tous vents. Je n'avais pas compris la forme de tes yeux, c'était moi qui les rendait vagabonds les faisait errer de visage en visage, entrer dans des salles trop étroites trop étroites pour eux.

dimanche 8 juillet 2012


L'arbre qui danse

L'arbre danse aux milliers de bras aux doigts écartés à la tête fragmentée qui vieillit, courbé, danse encore, où l'oiseau a trouvé refuge, c'est que le temps, pour l'arbre, est si long qu'on n'a pas peur qu'il s'évanouisse entre temps, quand tendu jusqu'au bout des feuilles il accueille encore le ciel.

Erlangen (à l'intérieur)


 




Chemin de terre


vendredi 6 juillet 2012

Gare

périodes où parfois le temps devrait s'arrêter, rien qu'un peu,- il attend pas il passe quand même.


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se soucie pas du voyageur, s'il a traîné pendant un arrêt, consumé deux, trois cigarettes, accepté une brochure que quelqu'un lui tendait, sans penser que ça puisse l'intéresser. Trois secondes sur le quai le train
parti.