vendredi 28 décembre 2018

Rabelais


Par cette tension électrique qu'on trouve chez Rabelais l'écrit échappe au danger de l'immobilisme. Cette vivacité à faire un bon mot, à éructer, à péter en plein milieu d'un phrase et reprendre son chemin imprévisible parmi les vestiges des secousses qui résonnent longtemps en nous. Il y a là comme quelque chose de toujours vivant qui pousse toujours dans l'ombre rayonnante. Par le fait même de savoir que la lumière du sens, d'un sens, peut nous surprendre et le rire, sous la bizarrerie des mots désuets.
Rabelais, c'est le théâtre.
Prendre à pleines mains tous les mots les paroles en fusion pour les faire jaillir sonores, vifs et éclatants. Nés de la friction entre la joie et l'humain qui a froid.

jeudi 27 décembre 2018

Poupée II


Je la déteste, impatiente, comme ça. Stressée. Et puis, laissée de côté toute seule avec son sale caractère. Est-ce que je prendrais la peine de lui parler ? De voir ce qu'il y a sous cette couche d'amertume qui se dépose jour à jour comme la poussière, qu'il suffirait de souffler pour retrouver la joie du dessous. Est-ce que je prendrais la peine d'être son amie ? Moi qui sais jamais où aller. Moi qui attends. Qui attends des autres qu'ils fassent eux-mêmes la démarche de se déplacer, poser les deux mains bien à plat sur son visage et en retirer le masque de colère posé sur un regard rougissant, le masque rouge sur les pleurs, le masque de pleurs sur celui de l'enfant, le masque d'enfant sur le masque de rides, le masque de rides sur la personne nue. La personne creuse. La boussole sans pôle.

samedi 25 août 2018

Paradis artificiels


     Ces histoires de mondes au-delà de la mort, d'où viennent-ils ? De la peur de perdre son temps en faisant les mauvais choix et du temps qui passe, qui n'est pas illimité, de la quotidienne déception qu'on ressent face à la vie. Quotidienne et comme rentrée, comme quelque chose qu'on n'a pas trop envie d'avouer, de peur de se heurter à ceux qui ne reconnaissent pas cette déception. Non parce qu'ils ne la ressentent pas. Parce qu'ils ne veulent pas la ressentir. Et tu doutes. S'il n'y a que toi qui marches à côté de la vie ? Mais ces traits tirés, ces sourires crispés, ces regards inquiets même dans les yeux des enfants, ces réponses trop violentes que reçoivent des voix inoffensives. Et si tous les hommes se sentaient traqués ? S'ils continuaient à se raconter des histoires comme pour faire porter à quelque chose d'autre la responsabilité de leur tristesse ? C'est la société, la nature humaine, la culture du viol, les politiciens qui nous veulent du mal. Sans autre raison qu'un désir de soumettre pour se sentir exister. 
     C'est peut-être vrai. Ça rassure de dire ça. Parce qu'alors si ce n'est pas de notre faute on aura moins besoin de se remettre en question et d'agir. C'est plus facile comme ça. 

non-dits


Des non-dits, des colères naines qui se nourrissent les unes des autres et enflent jusqu'à trouver le chemin de la parole en gros flots bouillants et d'autant si larges que personne ne les comprend.

dimanche 12 août 2018

mardi 5 juin 2018

Objets


    Quand on perd un objet - qu'on on vous le vole peut-être plus - le pire, c'est de se séparer de la charge émotionnelle que rassemblent les objets qui nous entourent. Cette charge n'est pas la même selon l'objet. Certains n'en reçoivent que très peu sur toute une vie, tandis que d'autres se remplissent aussitôt d'une présence, à cause de la forme, de la matière et du poids particuliers qu'ils ont, qu'on comprend tout de suite ou à force de les côtoyer. Qui prennent place en nous, et nous prenons place en eux comme s'ils nous attendaient. Comme si nous les attendions. Certains objets nous regardent. 

mardi 6 février 2018

Novarina


"Je me suis toujours figuré la vérité tête en bas, pendue à l'envers de nos paroles, la vraie pensée sens contraire et le bon poète, le bon philosophe, comme un enfant - c'est-à-dire un renverseur profond"

Pendant la matière

dimanche 21 janvier 2018

Poupée I


Tu souris. Tu t'es un peu maquillée aujourd'hui. Tu as allumé quelques bougies dès qu'il a fait nuit pour réchauffer l'atmosphère comme si le froid ne venait pas que de toi. Comme si elles y pouvaient quelque chose. Tu souris. Tu es contente des rideaux qui pendent à tes fenêtres et tu passes beaucoup trop de temps à lire, à poser des questions à google en espérant à peine qu'il trouve une solution à ton angoisse qui a toutes les chances d'être de la paresse ou de la peur. Peur de dire la peur dis-la, dis ta peur toute froide et paralysante comme elle est, dis la poupée cassée qui habite là tout à gauche dans sa cage d'os dis-la comme elle est assise de biais couchée de travers la chevelure en désordre des trous parmi la chevelure et les yeux grand ouverts sur le noir tu redoutes que les autres surprennent sa peau dure et ses yeux fixes sous les paupières qui battent qu'ils la surprennent un jour borgne un œil ouvert vide et l'autre, celui qui s'agite et qui vit l'autre, caché sous la paupière sous un clignement affreux. Dis que tu aimes bien travailler parce que c'est un bon prétexte pour ne pas écrire et cesse de te plaindre, dis que tu as peur. Que tu as peur de l'écriture même de ce que tu pourras découvrir derrière les oiseaux, dis que tu vomis dis ta jalousie tes regrets tes reproches et tout ce qui sort encore et l'accompagne, dis que tu n'en peux plus, dis que tout est laid et toi aussi, dis que peu importe le temps que tu passeras à faire le ménage peu importe le nombre de bougies, si tu as fait ton lit, si tu t'es fait belle, au fond, toute la saleté qui reste dans les coins dans les tapis derrière les meubles les araignées qui meurent et celles qu'on a écrasées les taches de pourriture les insectes rampants qui se glissent dans les joints du carrelage dès que la lumière est éteinte. Dis que tu as peur, dis que tu ne sais pas, dis que cette solitude tu la désires comme on désire le gouffre qui s'ouvre et tue. Il est là, le temps, il t'ouvre grand les bras. Elle est là la solitude. Tu peux cesser de lire et de croire que tout doit être propre et que tu as encore bien besoin des autres pour t'apprendre, que tu dois relire tes carnets et toutes tes notes, c'est rejeter encore le réel à plus tard. Fais-toi peur. Fais-toi peur.