samedi 28 janvier 2012

Coquelicots

Cela lui apparaissait parfois comme dans un rêve. Ce n’était rien d’autre que des bribes, des souvenirs épars qui venaient la visiter la nuit, le jour, dans ses poèmes, dans les miroirs, dans les fleurs de mirabelles, dans le vent joueur venu décoiffer les coquelicots, dans ses peintures blanches et pastel où elle n’oubliait jamais de déposer d’un coup de pinceau sûr, des coquelicots très rouges, et l’œil du visiteur occasionnel, dans son monde miniature, ne voyait que le rouge.
Elle aimait ouvrir les boutons des coquelicots en bas de l’école, elle décollait délicatement les deux lèvres que renfermaient la fleur, puis, sans les déchirer, en déployait les pétales tendres et fripés, l'ouvrait jusqu’à en voir le cœur tendre et humide, recroquevillé sur lui-même comme un dormeur qu’on surprend au milieu d’un rêve.

mercredi 25 janvier 2012

boule de plumes

Et cependant il y a cet homme qui se balance comme une pendule, ayant tout l’air de ne pas savoir où il va. Il marche, en sens inverse de la foule des gens pressés, il marche et se balance comme une pendule, traverse la foule, son oiseau bleu, boule de plumes en équilibre, bleu sur sa tête, trottine sur des brindilles et va d’un bord à l’autre de sa tête, et l’homme fend la foule et s’engouffre dans le tramway lumineux, silencieux, vide. Le tramway indifférent qui emmène l’étranger jusqu’au fond de la ville.

lundi 23 janvier 2012

Le pianiste

Le pianiste a très froid. Il ne sort pas sans son écharpe son manteau et surtout ses gants. Très important, les gants. Quand il est chez lui, il ne veut pas enlever ses gants il a très peur d'avoir froid, et s'il a froid c'est évident il ne pourra pas jouer comme il veut, et ça l'embête. Alors quand il sort, même s'il a mis ses gants, il fourre ses mains très profondément dans ses poches, ou croise les bras au cas où, au cas où il fait froid. (Il ressemble à ces oiseaux qui rentrent leurs têtes dans leurs plumes, et ne laissent de visible que leur bec et leurs yeux à demi clos.)

La voix du piano ne suffit pas il faut aider le piano, pousser le piano chanter avec le piano, être le double du piano.
On n'aime pas mettre un piano dehors.

samedi 21 janvier 2012

Gravité

Disons que j'ai de la pluie dans mes chaussures, et du rire dans mes poches, c'est parce qu'ainsi quand je m'ennuie je peux jouer avec ce rire, ces mots, qu'à la va-vite j'ai fourrés dans mes poches, que j'ai glanés dans mes bouquins sans vraiment y prendre garde.
C'est qu'il a plu sur mon tableau pendant que je peignais c'est pas sa faute, au tableau
S'il y a eu de la pluie quand il s'est fait, c'est vraiment qu'il y avait trop d'eau.
C'est pas non plus si grave en fin de compte que l'eau quand elle tombe elle tombe vers le bas, mais enfin ces petits bonshommes sous ce déluge de couleurs ils vont devenir, eux aussi, rien d'autre qu'une pluie de couleurs c'est la gravité qui fait ça, c'est pas non plus si grave que ça c'est seulement que quand elle tombe... se glisse dans mes chaussures.
Et quand on marche peu importe si l'on emmène avec soi quelques gouttes de pluie s'il y a du rire aussi dans mes poches, quelques mots pour quand on s'ennuie. Faire comme un château de cartes, un château de mots et s'amuser à souffler dessus, construire une château en Espagne, un château de sable, et taper dedans, rire très fort à prendre des vessies pour des lanternes et Panurge pour un mouton.