lundi 25 juin 2012

spiralique

Sans souci de ponctuation, c'est quelque chose qui au départ se fait sans souci de ponctuation grammaire ou autre. C'est celui qui écrit sur sa table à écrire sa table à lire sa table peu importe sur quoi il note ses mots, long fil qui s'entortille à dessein il se balance dans la rue se balance comme une pendule et c'est la rue qui se balance à son tour, ce n'est pas comme écrire une lettre ou n'importe quoi c'est qu'il a une toute petite tête qui se balance elle aussi tant elle est lourde sa petite tête de poète car les mots s'y pressent, foule de mots à l'intérieur tandis qu'au dehors tout semble silence, sans doute entrés par tous les sens sans autorisation sans demander pardon je sais nous sommes lourds quelques fois qu'on ne peut plus penser qu'à nous quand nous sommes là mais que voulez-vous ? ce n'est pas le moment mais ce ne serait jamais le moment pardon, que voulez-vous si on est là, on est là. S'arrête ainsi au coin d'une rue empoigne son crayon son calepin et ses tics d'écriture jette un fil très fin jailli de la pointe du stylo sans se soucier d'écrire droit, que voulez-vous ? jette sur le papier les mots qui se suivent se forment discrètement se tiennent par la main et tournent en rond tournent en rond à la file indienne en attendant leur tour se tenant par la main chaque barre de t s'allonge pour attraper la première lettre du mot qui suit en attendant, que voulez-vous, tournent en rond dans cette tête trop petite et se pressent sans souci de ponctuation d'écrire mal se moque des lignes sur la page et tire les barres de ses t presque jusqu'au bout des mots que voulez-vous ? se succèdent les mots les uns après les autres sans souci de ponctuation, puis d'un seul coup s'arrête.

démon urbain


La maison du cinéphile (Prague)

Ça déborde, chez le cinéphile, c'est plein d'images et de bobines en vrac empilées les unes sur les autres, se déroulent lentement l'une après l'autre, projettent des images d'un bout à l'autre de la pièce, sur un mur refermable ; ça déborde la maison est si petite pourtant il y a aussi plein de lunettes, des lunettes grosses comme des bobines on dirait qu'il les enfile l'une sur l'autre pour voir, deux fois plus grandes, trois fois plus grandes, toujours les mêmes scènes (jamais les mêmes) ; scènes qui se succèdent, se superposent, interminables, 
voix enfoncées dans un instant s'étirent et déchirent le passé qui les voile
demie seconde où la voix fait surface






dimanche 17 juin 2012

Coquelicots

petites madames se balancent doucement en secouant leurs robes fines à crinoline se murmurent entre elles des secrets tout en rouge
(s'amusent, plantées comme elles sont sur un seul bras, la tête en bas)


Métro


dimanche 10 juin 2012

Mondes emboîtés : Hänzel et Gretel


Prendre en photo Alice quand elle traverse le miroir
(Fixer l'instant où tout communique)
Doigts très longs du photographe s'allongent encore se tendent vers la fenêtre en face sautent par la fenêtre emmenant avec eux un gros œil noir très rond qui ne voit qu'en instantané et se ferme juste après
la couleur d'un monde éclabousse l'encre noire de l'autre côté de la vitre
Hänzel et Gretel, par la trouée ont l'air d'observer de loin dans son dos le photographe sans vouloir se faire remarquer
mais le photographe les voit ils les a tout juste devant soi de ses longs doigts dans la vitre il prend la photo
prend Hänzel et Gretel qui se cachent curieux dans son dos pour ne pas être vus sont pris marchant tout petits quand ils se faufilent entre des pieds inconnus

C'est ça aussi qu'ils voient, courant bondissant vers leur demeure séparée. Les fenêtres grandes ouvertes à même le ciel, par où s'engouffrent les nuages. La couleur du camion qui traverse la prairie, le carrelage dans la forêt, le panneau rouge, le panneau vert qui font leur univers et très rouge, et très vert.
Mais seulement à cet instant, à cet endroit, Hänzel et Gretel explorent des images étranges dessinées dans l'instantané, tandis qu'un géant aux longs doigts bouscule tout pour s'asseoir sous un arbre imprimé sur  papier blanc.


dessins de Lorenzo Mattotti

samedi 9 juin 2012

Globes


sphères
entreposées
globuleux yeux toutes couleurs et formes
collectés
soigneusement rassemblés
plantées dans jardin très vert (les planètes qui ont roulé glissé jusqu'au sol un matin quand la pluie est tombée)

vendredi 8 juin 2012

Le pont Charles (Prague)



Péniches et citrouilles

Quand tu parles d'Orion je vois une main très bleue
        dans ton ciel très brun.
                A l'ombre d'une rue, (la rue du bout du monde semblerait-il mais on déchiffre les lettres si lentement, c'est comme si elles apparaissaient l'une après l'autre après avoir été lues.)
                A l'ombre de la rue du bout du monde, pavés très dur.
                J'ai les pieds nus et je n'ai pas froid.
                A l'ombre de la rue du bout du monde, M. Le Poète aperçoit la flamme du réverbère tendu très droit dans le ciel.
        M. Le Poète le voit et il trouve que ça ferait une jolie fin.
        A la fenêtre cette nuit brune la neige fine est une taie qui laisse voir l'éclat de la bougie dans la chambre chaude.
        M. Le Poète qui passait par là avec sa canne et son oiseau bleu voit trois citrouilles sur le pas de la porte, voit des enfants sauter sur les citrouilles, sauter très haut dans le ciel leur sac sur l'épaule, leurs cheveux rouges au vent comme des flammes, sur les toits de la ville de Berne.
                         Trois lueurs une bleue, une miel, une rose comme la fleur se reflètent dans l'eau du fleuve, c'est bien la Maine car les péniches somnolent,
Trois lueurs dans le ciel comme trois taches de couleur d'un peintre un peu
fou
qui ajoute de l'eau et de l'eau
encore et encore
et encore et encore,
qui inonde la toile dans cette pièce si petite, trop petite, qui presque rétrécit, et dans cette pièce aux murs pleins, elle ajoute l'eau qui inonde le sol qui inonde la toile qu'on ne peut pas peindre par terre, elle est trop grande.
Elle est trop grande, la toile, je le sais bien, je suis accroupie sur elle pour pouvoir peindre il faut s'asseoir dessus, pourquoi l'ai-je choisie toile trop grande dans cette boutique minuscule perchée sur la route nationale ?
Et j'inonde ma toile j'en dilue la couleur, j’en mélange les images, j'ai oublié que je suis sur la toile
toits de Berne,
citrouilles,
péniches,
roses qui fanent,
départs en voyage,
Au point d'en jeter les couleurs humides toujours pas satisfaite
            au point de jeter la palette,
                     et puis de claquer la porte, de quitter la pièce.






L'horloge astronomique


lundi 4 juin 2012

Sans fusée




 


J'irai marcher sur la lune, avec toi ou sans toi ça dépendra si tu trouves que c'est trop loin, si tu préfères rester chez toi, j'irai bien un jour, moi, marcher sur la lune - et tant pis si c'est déjà fait, tant pis s'il y a des fusées moi j'y vais à pied, j'irai à pied sur la lune je pourrai voir
si les gouttes d'eau sont fraîches encore, tout en haut, quand elles tombent des gros nuages éléphants lourds (et lents), j'irai voir si les nuages sont en laine en coton et si les étoiles piquent aux yeux, si quand on les respire trop fort, on peut les aspirer toutes d'un coup, éternuer des étoiles et tout foutre en l'air, j'irai voir si on peut s'asseoir dans le creux de la lune, si c'est confortable comme sur la branche basse d'un vieil arbre (et courbatures), et de là je pourrai voir
si Vénus flirte avec Mars, si Mercure a des ailes aux pieds, si Jupiter lance la foudre, si Pluton dans son coin s'endort en boudant, si on peut jouer aux billes avec eux.