dimanche 29 décembre 2013

Dérive des continents


      Une route noire gravillonnée monte en pente douce. Et pourtant bien qu'elle soit douce, que mon vélo souplement accomplit sans heurt chaque tour de roue, en freinant trop fort je me trouve par terre. Gravillons renversés sur la tête qui roulent, pointus maigres, plantent malicieusement leurs crocs assidus dans les cheveux, roulent, les gravillons dans la tête, ça fait un bruit comme bâton de pluie, s'entrechoquent ainsi font fête et puis roulent. Tête qui roule, comme une pierre, avec tout le poids, toute la lourdeur et ses angles par quoi elle épouse le sol. Mais une pierre, quand brutalement elle est jetée par terre, quand surtout c'est cette route dure et noire gravillonnée, sans doute elle se brise en morceaux qui se déplacent, vibrants comme des plaques tectoniques. 
     Et toute la pluie des gravillons se déverse dans l'espace vide de ces continents qui se détachent, voilà, tournant dans l'Histoire : cette route noire, et ces gravillons impossibles, ces gravillons qu'on aura beau balayer, sans succès, toujours là, pas de route sans gravillon, ils reviennent, ils grouillent, ils ne partent pas. Il y a des routes à présent, de larges routes tortueuses ici dans la tête par où les gravillons pointus maigres se pressent en roulant, bruyants, méchants, de ces pierres qui s'entrechoquent faisant fête, roulent dans la tête, feront de ces espaces tout neufs et vides, ces creux entre les plaques, creux d'un monde nouveau, des océans, des mers, des rivières.  


samedi 28 décembre 2013

Interférences II


     Le dos courbé, la démarche qui balance et l’arrosoir. J’ai croisé cette femme, je ne l’ai pas bien vue. Ce sur quoi se pose le regard, l'invisible, l'enfoui, vouloir ne faire qu’effleurer un remous, ne prendre de ce qui passe que les trois traits essentiels, qui disent ce que l’on retient et laissent le reste dans la brume. Ce que j’entends ce sont quelques mots dans un sac, et de la musique, qui remuent, étranges et lourds, j’y plonge ma main à l’aveugle, je ne fais que toucher du bout des doigts, effleurer, j’y trouve d’autres doigts, doigtés délicats dans ce sac. Son contenu sans cesse se renouvelle à cause des saisons, de la pluie et des nuages, du soleil et du vent, d’un téléviseur allumé, la radio le matin, le CD écouté en boucle, cela fonctionne par roulements indistincts et sans y prendre garde, petit à petit, change du tout au tout le contenu de ce sac. Il y avait donc cette femme qui passe et repasse même démarche et même blouse et l’arrosoir, alors, ennuyée de cette silhouette sans lui dire au revoir insensiblement je la glisse hors du sac, hors des pensées qui m’occupent et je l’ai croisée sans bien la voir. Du téléviseur allumé, platitude des visages et voix électroniques je tire des mots et les tourne et les retourne dans ma main qui fouille sans y voir, juste avec le toucher, l’un d’eux lourd et long, trois morceaux d’un mot. Alors, Bachar Al Assad a reçu une formation d’ophtalmologiste – qu’elle est pesante et longue cette phrase déjà, quand je la sens glisser au fond du sac, et j’ai toujours cru que ces médecins ne pouvaient avoir de problèmes de vue, tels que croiser quelqu’un sans rien voir, mais le fait est qu’il n’y voit rien, rien qu’une révolte, c’est quelque chose qui arrive dans tous les pays et il n’y a pas de quoi s’inquiéter, et voir toujours les mêmes images, les têtes plates et voix électroniques on s’arrête un instant, un train déraille. D’un sujet à l’autre bondit le journaliste il n’y passera pas plus de deux minutes, il sait exactement le temps que doit durer son reportage, le temps qu’il passera sur chaque actualité et ne se met jamais en retard, deux minutes, deux minutes passées à vous dire ce qu’il se passe dans le monde avant le retour de la musique ou des pubs, on bondira d’une catastrophe à l’autre, vous attraperez au vol quelques mots, les fourrerez dans votre sac pour les retourner à loisir et prendre le temps de bien les regarder, si vous voulez, les mêler sans distinction ou presque avec le temps qu’il fait les visages croisés la musique les paroles des proches, tout cela dans le même sac, les reprendre quelques fois, en faire des objets, de petites mécaniques pour parler en public, en fouillant, en retournant tout cela, j'ai plus d'un tour dans mon sac.  
     Des habitudes d’écoute, je tire une mélodie qui depuis longtemps délicate et bondissante accompagne mes gestes. Les arpèges de la harpe menus et souples sous mes doigts. Ainsi les feuilles fines des arbres maigres claquent au vent, elles claquent l’une contre l’autre elles embrassent des ramilles, d’autres feuilles elles ne savent plus si c’est leur ramille ou celle des autres elles se heurtent et se froissent dans bruissement assourdi de claquements aériens qu’on entend à peine bondissent les doigts, le bout des doigts sur les cordes de la harpe sans se soucier du pourquoi du comment ni même des faits de rien bondissent joyeusement petit oiseau sur les branches d’un cerisier vient picorer, abîmer, blesser la chair ronde et rouge, le fruit du printemps, ce printemps de Damas qui n’en finit pas de rougir, déjà c’est l’été, rouges, et rouges encore les cerises écorchées elles vacillent sous les coups de l’oiseau tombent une à une du grand cerisier. Les cris d’enfants le masque de la petite fille sage se retourne un temps son pied plonge allègrement dans la boue de l’allée. Une catastrophe ferroviaire, un enfant couvert de sang ce n’était pas son sang, six morts, on commence seulement à soulever le wagon renversé pour vérifier qu’il n’y a pas de victime là-dessous, s’il n’y a pas de victimes là-dessous. Et on déménage, un million huit cents mille réfugiés syriens ça fait combien en vérité, un million huit cents mille, aller ailleurs, là où il n’y a pas de morts qui courent les rues, quelle misère, ces fantômes qui hantent la ville, ces inconnus de Homs si bruyants malgré les fumées, les silences, j’en aurais le vertige, j’en aurais un frisson, heureusement les accords de la harpe insensés galopent au fond dans mes idées, heureusement les arpèges et la douceur des bonds, mais il faudra bien un jour relever les wagons.

dimanche 3 novembre 2013

Métamorphose - Daphné



     A ce moment je cours encore, je suis tendue comme la corde de l'arc, qui vibre encore, qui vibre entière, à ce moment je m'en souviens j'ai pris la fuite, ça finit par faire mal, et dans les pieds, et dans les pierres très dures plantées dans les pieds, et dans le cœur, le cœur très lourd le cœur trop lent qui tire sur les artères et se gonfle de mon sang, et dans les joues, les yeux qui piquent, la chaleur à mon visage, l'air qui passe à travers le visage, le cœur qui pompe et palpite - il aura aspiré toute la chair du visage -, je sens ce vide à travers le visage, ce visage qui se crispe et se dessèche, il aura bien tôt fait de mettre un terme à cette course, celui-là, me permettre un peu de reposer, je ne suis faite que de fibres, je ne suis qu'artères et veines, tout circule en moi, tout me traverse jusqu'au bout des doigts, les fines veines qui circulent comme des ruisseaux jusqu'au bout avec un bruit très doux, ces veines tant timides et craintives sont les premières à se retirer les jours de grand froid, les premières à s'en retourner, les premières à crier qu'il fait froid, j'ai les mêmes aux pieds, aux oreilles et à la pointe du nez, eh bien ces veines au bout des doigts, je les sens qui pompées tout d'un coup par ce cœur-là l'affamé commencent à ralentir, commencent à se figer, et c'est difficile de courir à présent c'est difficile, je suis fibreuse à l'extrême, je sens les veines qui sortent de ma chair et qui profitent de l'instant où courant encore je pose le pied à terre, je pose le pied à terre dans un mouvement encore rapide, je n'ai pas l'intention de m'arrêter là, je ne veux pas, et d'un coup surgissent ces veines de la chair pour se plonger dans la terre, s'y attacher toutes sèches qu'elles sont, et je crois courir encore, je préférerais courir encore maintenant que je suis sèche, je préférerais courir et même sentir ce cœur-là qui pompe et travaille, qui allonge et alourdit, me plonge dans la terre, me jette au ciel, détache un a un chaque cheveu amplifié alourdi éclaté en mille feuilles mille visages étrangers tournés vers les nuages, et même mes yeux s'assèchent et durcissent, des yeux qui ne sont plus que deux nœuds dans l'écorce, j'aurais voulu encore voir un peu, juste un peu, j'aurais voulu entendre plus longtemps ce cœur qui pompe et gonfle, qu'il me laisse un peu plus que la vie absente des lauriers.


dimanche 29 septembre 2013

Stimme

   Es wäre ein Säuseln, nur eine Bewegung, einige Blüttenblätter fallen langsam herunter, die, die im Baum gehalten waren, wie ein Blumenpacket an dem Himmel verschenkt, wie ein riesiges Liebeszeichen. Da werden die Blüttenblätter angestoßen, so fallen sie herunter, tanzen und schwingen im Garten.
       Es wäre ein Vogel. Von Ast zu Ast schwingt er sich und schlägt mit den Flügeln, stört diese perfeckte Harmonie, die ich zusammengesetzt hatte. Er bewegt sich so, dass ich es fast hören kann, wie stark sein kleines Herz schlägt, so dass ich auch raten kann, wie es ihm unmöglich ist, ruhig zu bleiben. Da ist das Kind, es rollt im Baum mit dem aufgeregten Vögelherz, es rollt mit Bilder von Sternen und Galaxien im Kopf; seine rollenden Gedanken kann ich ja schon von weit weg hören, weil ich sie auswendig kenne, das Kometkind, ich höre sie von Ast zu Ast rollen wie ein Stern im Himmel gegriffen, eines Tages wird sie herunterfallen, ich kann sie mir vorstellen, wie sie durch das Gras rollen würde, wie sie über alles weg rollen würde, durch das viele zwischen Äste rollen, ich weiß das ja, dass es sie zum Lachen bringt, es bringt sie zum Lachen das Denken, dass man sich um sie Sorgen macht, ich weiß, würde sie herunterfallen können, da würde sie nur seine Flügel öffnen und würde sich nicht auf den Boden befinden, also, durch das viele zwischen Äste rollen, bald wird sie einen von denen abbrechen, weil sie nie auf nichts aufpasst, es ist nicht schlimm, dass die Blumen wegen ihr herunterfallen, es ist nicht schlimm, aber, dass sie einen Ast abbricht! und er würde auch selbst herunterfallen, dieser Vogel, der glaubt immer noch, dass er noch fliegen kann, er würde herunterfallen und ich will noch mal das komische Lachen von ihm hören bevor er sich zerbricht, und ich will auch nicht, dass sie unter dem Gras rollt, da wäre es nicht sicher, dass ich sie wiederfinden kann, so klein wie sie ist, hat sie gesehen, wie groß das Gras hier ist, ein Kirschbaumast kann schnell verraten, es kann sich schnell abbrechen; seltsam, wie sie strahlt, mit zerzausten blonden Haaren, die immer so kurz geschnitten werden, wie von einem Jungen, mit roten Backen und großen blauen Augen, die man sehr rund sehen kann, wenn sie anschaut - das mag ich, dass ihre Augen blühen, dass ihr Mund bricht auf, dass ihre Nase zum Riechen näher kommt - sie passt aber auf nichts auf, sie tritt ein, sie geht heraus, sie spielt überall als ob sie zu Hause wäre, und wird nicht geschimpft, sie macht alles kaputt, sie ist laut im Haus von der Oma, und die Oma scheint aber nichts dagegen zu haben, nichts, sie tut so, als ob sie taub wäre und lächelt, lächelt weil es ihr freut, dass jemand hier endlich keine Angst hat laut zu sein, sie tut so, als ob sie so alt wäre, dass es sie nicht mehr stört, es ist aber wahr, dass es ihr egal ist, man kann hier rein kommen und alles kaputt machen, es ist ihr egal, so lang dass es Lärm gibt! Jetzt weiß ich, wie auf ihr Geschwätz zu aufhören, es ist leer, es heißt nichts, es dreht sich nur im Kreis wie eine alte Schallplatte, jedes Mal knödelt sie mehr, aber jetzt weiß ich wie auf ihr Geschwätz zu aufhören, um Zeit zu haben, um ihr Gesicht zu anschauen, - ihre Falten, ihre Lippen dünn wie nasses Papier - ihr monumentales Gesicht, das sich anschauen lässt, lässt aber seine Türe zugemacht; die Großmutter, die Urgroßmutter zugesperrt, die nur das Unwichtiges sagst, magst du noch mehr Milch? ja, nein, egal, bleib bitte nicht so, einfach so in dir zugesperrt, bitte sprich mit mir, du musst mit mir sprechen, du musst mich in diesem Weg von deinen Falten fuhren, da, gerade am Auge am Eck, und bleibt hier und so, gekrümmt mit alten Bewegungen und die Marmelade? hättest du gerne auch Marmelade, mein Onkel, weißt du mein Onkel hat eine sehr leckere Marmelade selbst gemacht, sehr lecker, also ich hätte gerne dieses Gesicht lesen können, dieses zarte faltige Gesicht, so suche ich den Schlüssel, ich werde vielleicht klettern sollen, das Fenster werde ich drücken, da werde ich meine Hand durch die Ouvertüre dringen, und die Klinke finden, mit der ich da reinkommen können werde. 
     Gerne würde ich reinkommen, es kann aber sein, dass Sie nicht mehr da sind.




Bild : Max Habich 
Danke Petit Suisse und danke Max :)
Auf französisch ist es da

dimanche 22 septembre 2013

Rouler des galaxies


     Un bruissement, un mouvement ; la douceur lisse d'une herbe verte reflète un éclat de soleil, quelques pétales dégringolent, qui étaient retenus dans les branches comme un paquet de fleurs offert au ciel dans un immense geste d'amour. Lentement les feuilles et les fleurs se déversent, bousculés par un mouvement rapide qui dérange la fixité de l'arbre blanc, elles se détachent et tombent avec peine, comme si elles cherchaient une faille dans l'air, un endroit où se faufiler pour atteindre la terre ferme - et elles pirouettent et se déhanchent, tout le monde danse dans mon jardin.
     On penserait qu'un oiseau bondit de branche en branche, il agite ses ailes et secoue sans ménagement toute l'harmonie que j'avais mise en place.  Il s'agite et je devine, dans ce petit corps, qu'une force irrésistible et autoritaire l'empêche de rester en place. Son cœur d'oiseau qui bat si vite ses pensées qui roulent des images de galaxies et d'étoiles, je les entends d'ici ; de même elle roule de branche en branche, ma sauvageonne, mon enfant-soleil, mon oiseau-comète, comme un astre saisi à même le ciel, un jour elle tombera de l'arbre, je l'imagine rouler sous les herbes hautes, peut-être tout brûler à son passage, à force de rouler ainsi entre les branches, je sais ça la fait rire de penser qu'on s'inquiète pour elle, je sais, elle se croit invincible, et bien sûr, si elle venait à tomber elle écarterait grand ses ailes et éviterait la dure rencontre avec le sol, eh bien, à force de rouler ainsi entre les branches elle en cassera une, parce qu'elle ne fait jamais attention à rien, qu'elle fasse tomber des fleurs, ce n'est rien, mais qu'elle casse une branche ! et il tomberait, cet oiseau-là, lui qui croit qu'il peut encore voler, il tomberait et se ferait mal et je veux encore entendre un peu son drôle de rire avant qu'elle grandisse ou se disloque, et je ne veux pas qu'elle roule sous les herbes, ce n'est pas sûr que je la retrouve, petite comme elle est, a-t-elle vu la hauteur de ces herbes-là, les branches d'un cerisier, c'est traître, ça se casse ; elle est drôle, elle rayonne, avec ses cheveux blonds en bataille, toujours coupés à trois ou quatre centimètres de longueur, comme ceux d'un garçon, avec ses joues rouges, ses grands yeux bleus qu'on peut voir très ronds dans un blanc laiteux quand elle admire - j'aime que fleurissent ses yeux que sa bouche éclose que son nez s'avance un peu pour sentir - mais elle ne fait attention à rien, elle entre, elle sort, elle fait comme chez elle et personne ne lui dit rien, elle casse des choses, elle fait du bruit dans la maison de la grand-mère et la grand-mère ne dit rien, elle fait mine qu'elle est sourde et sourit en coin, sourit qu'on vienne enfin faire du bruit dans sa maison, elle fait mine qu'elle est vieille et que ça ne l'atteint pas, mais c'est vrai qu'elle s'en fiche, on peut venir chez elle et tout mettre sens dessus dessous, ça lui est égal, tant qu'il y a du bruit ! j'ai appris à apprécier ses bavardages qui ne disent rien, qui se répètent et tournent en boucle comme un vieux disque, avec chaque fois une voix plus éraillée, j'ai appris à apprécier ses bavardages pour avoir seulement le loisir d'admirer ses rides, ses lèvres fines comme du papier qui a pris l'eau, son visage monumental, qui se laisse regarder sans ciller sans rien cacher mais sans ouvrir ses portes ; la grand-mère, l'arrière grand-mère fermée à clé, qui ne dit rien que les choses sans importance est-ce que tu veux encore un peu de lait ? oui, non, je n'en sais rien, ne reste pas ainsi rentrée en toi-même comme dans une coquille, il faut que tu me parles, que tu me guides le long du chemin de tes rides, que tu m'aides à naviguer dans les deltas qui sont aux coins de tes yeux, et elle reste de marbre figée dans des mouvements anciens, de plus en plus courbée, et la confiture ? tu l'aimes, la confiture, c'est mon oncle qui en faisait de la confiture, elle était bien bonne ; et moi qui croyais tout savoir, me voilà face à l'indéchiffrable, ce visage creusé et doux comme une façade ancienne lavée par les eaux, et je cherche la clé, j'escaladerai si je peux je pousserai la fenêtre je passerai la main par l'ouverture et trouverai la poignée qui m'empêche encore d'entrer.
     J'y entrerais volontiers mais il est probable que vous n'y soyez plus.



Image : Svetlana Bekyarova
Ikar's Daughter

samedi 7 septembre 2013

Alice in Island


     Glasdächer, einige Spitzen heben sich sehr hoch wie Kirchtürme, und von jeder Spitze erstrahlt ein dünner Lichtstrahl, der das schwarze Land mit weißen Strichen schneidet.
     Ich gehe über einem ebenen Gebiet ohne Hindernisse für Lichtkegel, weiße Striche, wie nach einer wissenschaftlichen Berechnung mit einem Meterstab gezogen. Ein ganzes, unbewohntes, ebenes Land mit schwarzen Kieselsteinen, können Sie sich das vorstellen? Ich laufe seit so langer Zeit, und habe nur einen Teil des Weges zurückgelegt um in diese gläserne Stadt zu kommen. Ich laufe, die Steine rollen unter meinen Füssen und schlagen gegeneinander. Ich fühle das Wasser, den Wind, die Kälte und das Meersalz auf meiner Haut, höre die Wellen sich an den Strand lehnen, ohne sie sehen zu können. 
     Ich weiß nicht wieviel Uhr es ist, habe meine Uhr zuhause gelassen, und die Sonne geht nicht unter, seit ich da bin, war ich zwei Mal so müde, dass ich zu schlafen angefangen habe, und die Sonne ist nicht unter gegangen, da bin ich mir sicher. Die Zeit hat sich wie der Strand gezogen - sicher war ich auch, dass er nicht so weitgestreckt war. Auch habe ich diese Glasstadt nur spät bemerkt; wenn sie aber näher an der Küste wäre, hätte ich jedenfalls nicht so viel Zeit gebraucht um dort anzukommen. 
     Die Glaswände sind unregelmässig. Sie wissen nichts von geometrischen Formen. Oft kann man unter ihnen hindurchgehen, aber nicht hineinkommen. Die Glaswände sind glatt und kalt, man kann sich nicht daran lehnen. Die kleinen Wellen rollen auf den Kieselsteinen, sie legen sich mit den Kristalklaren Gebäuden an, mit einer gelegentlich brutalen Energie umarmen sie sie, hinterhältig schleichen sie sich unter sie, und plötzlich drehen sie sie um, bringen sie über den Strand kilometerweit, oder schwemmen sie völlig auf den Ozean hinaus. Jedes Haus ist ein Eisbrocken.
     Jetzt erinnere ich mich daran. Inmitten des riesigen Strandes hatte ich durst, die Flasche war da; ohne es zu merken habe ich noch die ganze Flasche ausgetrunken.





Bild : Max Habich
Wenn ihr es in Original Version lesen wollt
(oder wenn der Text auf deutsch zu schlecht ist), hier klicken :)
Merci à Marietta et à Max !