samedi 31 mars 2012
Curiosités III
Voilà un texte libre. Se sentait-il à l'étroit bouclé dans bibliothèque poussiéreuse ? Jamais lu, si peu lu, texte dont les pages à peine ouvertes, pourtant, se détachent en bloc, se décollent les unes des autres, par affinité, ou arbitraire de l'imprimeur qui sans le lire,
sans l'avoir découvert relie entre elles les pages éparses pleines de mots insensés.
sans l'avoir découvert relie entre elles les pages éparses pleines de mots insensés.
Texte libre éparpillé aux quatre vents ; c'est peut-être que ses manières de grand savant, son teint jaune, ses longues lettres gothiques, cet ancien s'aperçut que sa voix éraillée
détaché
Texte libre démembré
détricoté
a pensé s'en aller pour changer d'air changer de l'air feutré de la bibliothèque, des autres livres sévères et raides dans leur reliure en cuir et leurs pages dorées, livres strictes
alphabétiques
livres stoïques et sages
Voilà seulement ce vieillard-là las de cet air a voulu changer l'air en chantant bruit de pages envolées, a eu vent de ce qui se passe ailleurs, s'en est allé s'éparpiller à tous vents.
vendredi 30 mars 2012
lundi 26 mars 2012
J’attends Madeleine et la neige...
J’attends Madeleine et la neige tombe et tombe, la neige est tombée, j’attends Madeleine et le réverbère lui-même s’est penché vers moi ; il m’a dit de partir, il en a assez de moi, de mon chapeau enneigé, de mes fleurs devenues blanches gonflées par la neige, mais peu importe ce que dira le réverbère, qui toujours me regarde blanche lumière sévère, ce que diront les autres qui me croisent enveloppé dans mon manteau blanc, moi j’attends Madeleine, qui me dira les mots qu’il faut, elle a dit, seulement quand mes cheveux, ma barbe même, auront blanchi, ayant pris le goût de la neige.
Sculpture métallique, Delattre,
"J'attends Madeleine"
mercredi 21 mars 2012
Le Photographe (Malte Laurids Brigge)
Le photographe, il est là. Bien là. Parachuté dans une ville étrangère, égaré et dans sa boîte s'impriment les visions, les regards, les visages, compressés, rétrécis, encadrés, étrangement, intenses. Il se tient tout debout sa boîte à images dans ses mains il a
probablement peur des impressions des visions bien trop réelles trop grandes pour lui, il a
voulu, pour ne pas faire trop à la fois, les découper
en faire des parcelles d'impressions compressées dans la boîte qu'il pourrait à loisir, bien plus tard, apaisé par un endroit un peu, du moins, un peu familier, commencer seulement à regarder.
Regarder sa vision, tiens c'est drôle.
Il ouvre sa boîte, prend garde à ce qui s'expose là, c'est seulement petit à petit qu'il découvre cette ville, doucement sans violence, ayant peur de recevoir trop d'impressions à la fois il en garde le plus gros à l'abri, il a comme découpé le réel en particules
appliqué à ne pas avoir, surtout pas, trop d'impressions à la fois.
Il a pris en photo un réverbère, très blanc et cet homme à côté, qui attend.
mardi 13 mars 2012
Curiosités II
Trois petits vieux,
renfermés ce jour-là
adossés côte à côte sans parler.
Petits vieux fermés à clé
ce jour-là vieux parapluies fripés
même la pluie ne les fait pas se lever, s'ouvrir seulement pour dire bientôt il pleut.
renfermés ce jour-là
adossés côte à côte sans parler.
Petits vieux fermés à clé
ce jour-là vieux parapluies fripés
même la pluie ne les fait pas se lever, s'ouvrir seulement pour dire bientôt il pleut.
vendredi 9 mars 2012
Curiosités I
Un inventeur a un jour fabriqué une boîte aux lettres marrante. Pas sûr qu'elle s'ouvre encore. Ça doit faire un certain temps parce que la cour est un peu oubliée, il faut dire, sorte de débarras en plein air, terrain de jeu à l'abandon, souvenirs entassés, cour encombrée de souvenirs poussiéreux pourrissants souvenirs assemblés qui sans doute n'ont pas vu qu'une seule pluie
mardi 6 mars 2012
Les paroles gelées
C’était une fois
quand la petite fille bleue désirait en hiver aller sur le quai, elle a demandé
au petit jeune homme de l’accompagner.
D’accord on va
sur le quai, on va voir les étoiles et les péniches en hiver couvertes de givre
cristallisées, les péniches bleues qui brillent dans la nuit comme des étoiles
basses qui ont froid se recroquevillent. Oui je sais ça tangue un peu, viens
voir si tu t’allonges ainsi sur le dos, c’est drôle car le plancher balance et
l’on ne voit plus que les étoiles suspendues au ciel dont jaillissent des
flammes et qui tanguent et qui tanguent au point qu’on a l’impression que des
vagues roulent aussi dans le ciel autour de grandes étoiles blanches, elles
deviennent comme de grosses bulles de savons qui vont éclater, mais il fait
froid ce soir et elles sont immobiles, les étoiles au milieu de la houle du
ciel, elles demeurent immobiles et comme repliées sur elles-mêmes tant elles
ont froid cette nuit.
Et dans l’eau
ils ont l’air d’êtres tombés ces globes immobiles, ils flottent immobiles
repliés sur eux-mêmes sous la surface de l’eau et pendant qu’ils flottent on
entend çà et là des éclats de voix qui jaillissent. Alors le petit jeune homme
dit c’est que sans doute la tête d’Orphée rôde quelque part, et la petite fille
bleue le corrige parce qu’elle a vu une étoile bouger sous l’eau, elle dit la
tête d’Orphée ? Tu veux dire les yeux d’Orphée sont séparés en des milliers de
lumières, chantent encore la voix, le visage, la présence d’Eurydice
décomposée.
Mais tu vois
bien qu’il fait froid, qu’il fait si froid ce soir on est en fait sur ce lac
gelé sur ce navire cloué dans la glace, ce pont glacé et elles aussi sont glacées,
les paroles gelées, et si j’en ramasse une et que dans mes mains je la
réchauffe elle éclate, s'échappe le mot qui a gelé à peine prononcé, mais tu
sais, ce sont les paroles des marins pris dans la glace, des marins dont le
souffle, les cris de jubilation de désolation les petits mots enneigés ont gelé
et sont tombés à pic dans la mer et ont dérivé lentement jusqu’à ce qu’on les
réchauffe. Ils ont gelé comme des oisillons qui quand ils décident de s'envoler
le décident au cœur de l'hiver et gèlent sur place et tombent à pic en pensant
qu‘ils auraient mieux fait de rester au chaud dans leur nid cette fois-ci, sont
devenus presque bleus et n’ont pu s’envoler. Ainsi vois-tu si tu plonges un peu
ta main dans l’eau froide pâle tu trouves une parole-globe et dans ta main
chaude si tu la serres un peu à ton oreille tu peux écouter comme elle
s’envole, comme elle éclate tout d’un coup sonore. Là ce sont de petits mots
timides et doux dis dans la nuit calme et surpris qui ne pensaient pas qu’une
nuit si claire fût si froide. Parfois ce sont des élancements de joie, ces
pleurs, et ces mots qu’on lance à tort et à travers, ces erreurs grossières
glacées d’effroi en s’entendant elles-mêmes sans doute mais qui, dites ainsi,
si longtemps après, si loin de l’objet de la dispute, n’ont plus rien à
redouter, ne sont plus que des mots insensés, et s’envolent comme les autres,
ces mots qui sursautent quand ils fondent et se réchauffent, bien heureux
d'atteindre enfin des oreilles.
lundi 5 mars 2012
La fleur
La fillette a mis en partant toutes ses craies dans sa poche, des craies qui colorent tout ce qui les touche, l'intérieur des poches et les mains et le visage qu'on a touché avec ces mains qui portent la couleur et la rue, la rue sur laquelle les gens marchent, la rue est une planche à dessin.
dimanche 4 mars 2012
Le voyage
Bringuebale, le transsibérien. Écrire dans ce transsibérien, transsibérien
qui ne va même pas en Sibérie, traverse à peine la France. Et Blanchot
qui est là, format poche, qui me dit, tiens tu sais si tu écris tu seras seule.
(C’est un hasard si je suis seule dans mon compartiment.) Cendrars me manque –
c’est pour ça que je ne peux m’empêcher de dire « transsibérien » – Cendrars
format poche, lui aussi ; mais il est dans la valise et la valise est à l’étage.
Au milieu d'une étendue plate, bras de pelleteuses à peine sortis de terre, se replient sur eux-mêmes dans un sommeil mécanique.
Un brouillard, partout dans les villes que l'on traverse à grande vitesse,
sur les rails, dans les gares. Le brouillard, cette nuit, agrandit la
lumière.
Jeux de lumière dans le compartiment.
Lumière éteinte, la fenêtre est un spectacle.
Lumière allumée rend la fenêtre opaque et jalouse elle me fait croire au miroir me renvoie l'image du compartiment.
De drôles de choses se passent à ma fenêtre. Du noir. Et de la lumière tout d'un coup qui fonce dans l'autre sens.
23:30. Black out. Plus que du noir dans le noir, parfois, on peut voir se dessiner une forme pâle qui réfléchit la lumière du train. Train maintenant las. Black out et fin de brouillard. Train qui ne croise plus que des formes immobiles et fantomatiques.
Minuit, réverbère qui regarde vers le bas, trace une pyramide de lumière pâle indistincte. Nouvelle vague de brouillard.
Et la fenêtre se réveille. Le transsibérien se balance en sifflant doucement.
Quelques fois j'aimerais dormir, mais l'accoudoir est trop dur, les sièges, trop durs aussi.
Non, je blague.
Je n'arrive pas à les saisir. J'ai longtemps essayé je me suis entraînée à attraper les maisons blanches. Elles sont comme ces étoiles pressées qu'on attrape d'un regard rapide, regrettant déjà de ne pas avoir su les voir du début à la fin. Qu'on guette toute la nuit doutant qu'elles apparaissent, et qu'on oublie juste un peu, ayant relâché l'attention, ne sachant pas où concentrer son regard, qu'on oublie de bien voir au moment où elles passent. Maisons blanches, cette nuit sont des papillons de nuit, renvoient la lumière si bien qu'ils éblouissent. Artifice pour s'en aller.
Les maisons blanches éclairées par des lanternes. Instant de lumière intense.
Au milieu d'une étendue plate, bras de pelleteuses à peine sortis de terre, se replient sur eux-mêmes dans un sommeil mécanique.
Lumière éteinte, la fenêtre est un spectacle.
Lumière allumée rend la fenêtre opaque et jalouse elle me fait croire au miroir me renvoie l'image du compartiment.
De drôles de choses se passent à ma fenêtre. Du noir. Et de la lumière tout d'un coup qui fonce dans l'autre sens.
Je travaille à partir de sms envoyés dans la nuit, et de photos prises de mon blackberry. Et si, et si.
23:08. 3 896 lumières croisées, parmi lesquelles 548 sont grillées ou défectueuses. J'ai de bons yeux. (Ces chiffres sont vrais, surtout parce qu'ils sont importants et qu'ils ne se terminent ni par cinq, ni par zéro.)
23:30. Black out. Plus que du noir dans le noir, parfois, on peut voir se dessiner une forme pâle qui réfléchit la lumière du train. Train maintenant las. Black out et fin de brouillard. Train qui ne croise plus que des formes immobiles et fantomatiques.
Minuit, réverbère qui regarde vers le bas, trace une pyramide de lumière pâle indistincte. Nouvelle vague de brouillard.
Et la fenêtre se réveille. Le transsibérien se balance en sifflant doucement.
Quelques fois j'aimerais dormir, mais l'accoudoir est trop dur, les sièges, trop durs aussi.
Minuits et quelques minutes. Révélation sans incidence : la poésie c'est très simplement Poe et Tic, c'est-à-dire Edgar Poe et des tics d'écriture.
Non, je blague.
Je n'arrive pas à les saisir. J'ai longtemps essayé je me suis entraînée à attraper les maisons blanches. Elles sont comme ces étoiles pressées qu'on attrape d'un regard rapide, regrettant déjà de ne pas avoir su les voir du début à la fin. Qu'on guette toute la nuit doutant qu'elles apparaissent, et qu'on oublie juste un peu, ayant relâché l'attention, ne sachant pas où concentrer son regard, qu'on oublie de bien voir au moment où elles passent. Maisons blanches, cette nuit sont des papillons de nuit, renvoient la lumière si bien qu'ils éblouissent. Artifice pour s'en aller.
Les maisons blanches éclairées par des lanternes. Instant de lumière intense.
Des oiseaux blancs dans la nuit, que seule la photo révèle.
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