mardi 25 décembre 2012

Oiseau

LA FÉE :

Je t'ai vu, la première fois, dans une nacelle, elle tanguait sur la mer, tu t'es échoué sur la plage, elle était couverte de neige, tu n'avais pas froid.

Tu riais, même, tu riais comme font les mouettes, qui de leur cri insensé mettent l'espace en mouvement. Tu es arrivé, je n'ai vu de toi que cette pilosité délirante, j'ai bien cru que tu étais un ours, et pourtant ton rire de mouette me disait que tu étais un autre. Tout poilu et riant je t'ai ramassé, toi mon oiseau enfant trouvé petit ours mon marin. Si tu le souhaites, moi qui suis la fée, je te ferai voler.

Mais seulement si tu le souhaites. Je n'aimerais pas que t'envoles ;

Déjà de bonheur, parfois, tu fouettes l'air de tes bras en poussant ton drôle de cri d'oiseau des mers.

Marin, encore, oiseau pourtant tu t’assois sur tes talons et tu t'endors en te balançant d'avant en arrière, tu fredonnes une chanson inouïe, et on s'avance vers toi, tous autant qu'on est, différents, certains avec des branches et des racines, d'autres ailés, emplumés, d'autres poilus, et moi la fée, et les autres, tous les autres.

vendredi 14 décembre 2012

Marché aux étoiles


C'est pas facile tous les jours. Moi, je suis astronaute, pas chasseur de boules de feu. Mais vous savez, comme il y en avait qui savaient que je partais en expédition, ils en ont profité, ils m'ont passé commande, comme ça. Moi je suis pas méchant, je sais pas dire non, et il y a les enfants, et tout le monde en voudrait une, je sais bien, d'ailleurs, j'ai même gardé la plus belle pour moi... Mais enfin, vous vous rendez compte, assez d'étoiles pour remplir quatre cent soixante-deux châlets dans les marchés de Noël ! et me voilà, sur mon vaisseau, mal à l'aise dans ma combi trop serrée, à guetter les filantes derrière un hublot, à tenter d'une main d'attraper les étoiles avec cette espèce de filet à papillons géant, et vaille que vaille, de l'autre, j'essaye de pas m'envoler, c'est bon, moi l'année prochaine, j'arrête.



fenêtre habitée




Ainsi, si tu es parti, j'imagine qu'encore une fois tu t'es changé en oiseau. C'est fréquent, ce n'est pas grave. Pour toi je construirai à ta taille une maison riante, juste là, avec un jardin, en face de ma fenêtre. Tu pourras t'y réchauffer aux jours de neige, y sécher tes plumes aux jours de pluie, attendre que la pluie cesse, y chanter toujours. Aussi, le jour où tu voudras revenir, tu y laisseras tes plumes et tu n'auras plus qu'à passer par la fenêtre ouverte.

Démon urbain




Jardins en hiver (les mêmes)

Première neige, première grande, longue neige, et épaisse, avec des flocons larges comme des soucoupes. Alors on s'empresse, sans attendre on s'empresse. Ce sont mes photos clandestines.










mardi 6 novembre 2012

Poème d'été



Soleil
C'était un jour de plein soleil
plein de soleils ; toutes les faces de la ville se séparent, pivotent et reprennent leur place.
visages cuits de la ville.
visages ailés figés dans un vieux sourire - je m'arrêterai, cette fois, devant ce sourire, j'y entrerai je me blottirai dans le sourire - visages qui s'en vont, décollages de fusée, se décollent - figés.

Touches du clavier
Tintamarre dans le silence
Touches du clavier et les murs, tout d'un coup, fondent
Se dire qu'à force de jouer du clavier on se prend pour un pianiste.
Piano
Pianocktail ou jus de citron, tu veux quoi ?
Le choix est grand sur la carte ; chaque mot est un pays ; il est difficile
de dessiner la carte des mots.
Les touches n'ont qu'un ton
les phrases s'enchaînent, colliers de mots
Sur la carte, les pays se déplacent
l'eau s'installe dans les creux laissés par les mots
comme dans un tunnel le vent passe par les lettres fermées, le a, le e, le o, le b...
S'il y a assez d'eau on boira une planète mobile, on s’enivrera.

Te plaît-il un cocktail bien vanté ? éventé ? épouvanté
épouvante - heure affichée sur le réveil
épouvante - soleil lourd gros et lent, entré dans la chambre sans permission
épouvantail cuit dans le jardin et l'oiseau s'en balance
se balance de droite à gauche sur la tête - barbecue - de l'épouvantail
pattes cuites
oiseau sans patte
soleil encombrant passé par la fenêtre, prend toute la place
il n'y a plus de vent dans les mots
vouloir ou non, finir comme l'oiseau ?
fermer la porte, soleil en cage, soleil est loin
café brûlant
un pâté de mots sur mon écran
ramassés, silencieux, tournent le dos - fermé l'ordinateur, de haut en bas, ferme sa grande gueule de
poisson rouge
sans un mot.


jeudi 23 août 2012

La nuit, sans les heures


     C'est qu'enfin tout est calme, je veux dire, les gens dorment. Immobile sur sa branche, l'oiseau-planète enfonce son bec dans le duvet et lentement sombre dans la douceur molle de ses plumes.
     Il a fait chaud aujourd'hui, le ciel a été sage, il n'a pas bougé, n'osait pas même respirer, aimant jouer son rôle de ciel d'été, il a écarté les nuages d'un geste bleu, s'est penché lumineux sur les baigneurs qui crient, a joué avec l'homme au tuyau d'arrosage et la fillette en maillot crie l'arc en ciel, il a brûlé la pelouse a fouillé les coins d'ombre illuminé les réverbères à quinze heures. A quinze heures la ville scintillait.
     Et maintenant il se dit, plus personne n'est là, plus personne ne me voit je peux, sans souci, prendre les choses en photo. Il a rappelé les nuages les a pressés comme des oranges pour que ça pique, pour que ça luise. Puis mitraille comme il veut. Il fait des photos avec flash et clic à retardement. Il devient même parfois un de ces grands arbres dont les branches séparent l'espace. L'oiseau-comète d'un éclair le coupe en deux, l'arbre disparaît, gronde et gronde encore le ciel contre l'oiseau qui a gâché la photo.

Mauvaise littérature (et parenthèses)

C'est que c'est dur, tous ces mots, te rends-tu compte, rien que des mots - ça a l'air facile de rien faire avec. Tu sais, les aligner et
et rien.
Tous les jours, avec ça, on fait rien.                    (c'est la faute du lecteur)
D'ailleurs, regard vague et pensée en balade et MAGIE. Disparus même jamais n'ont existé 
 Langue étrangère. Rien du tout, ou alors jolie forme belle écriture mélodie. Pas mal. Oui oui oui. (Si on savait, au moins, que c'est déjà quelque chose ! Mais non mais oui c'est joli, 'fin...)
Réflexion imbécile ("Bah, en tout cas ça se lit bien ! J'aime bien, enfin...") plus rien du tout rien du tout - cheveux arrachés répandus sur la table à écrire mais au moins                 (je suis un lecteur)      , au moins ça se lit bien. (Si c'est ça

ça te plaît

ça se lit bien 

ALORS 




                                                   je vais                                                       



                                 !
                            
TOUT CASSER

        
           éparpillés les mots ignorés les cacher détricoté d'avance le texte bordel de mots sur la table à écrire



la, fenêtre est ouverte le vent
a soufflé sur, les virgules
faudrait ranger Claire faut, ranger



juste pour que ça se lise mal). 

 De la fumée de la vapeur c'est que ça c'est facile à faire et on hausse les épaules moi je préfère Amélie Nothomb (j'aime bien Amélie Nothomb), tu sais, ça, ça va, après, des fois, les chapitres sont longs un peu trop longs j'arrive pas à lire quand les chapitres sont trop longs - suggestion - j'ai une idée pour toi T'as qu'à raconter... merci merci. 

Non mais moi les histoires (ah bon) non.


dimanche 29 juillet 2012

Rhoda

Voici Rhoda dans le sentier : elle berce un bassin brun plein de pétales de fleurs.


- Tous mes vaisseaux sont blancs, dit Rhoda. Je ne veux pas de pétales rouges de roses trémières ou de géraniums. Je veux des pétales blancs qui flottent quand je penche le bassin. J'ai maintenant une flotte qui vogue de rive en rive. Je vais laisser tomber une brindille : elle servira de radeau pour un marin qui se noie. Je vais laisser tomber un caillou, afin de voir un bouillonnement monter des profondeurs de la mer.

Virginia Woolf, Les Vagues
traduction Marguerite Yourcenar

Curiosité V




















Ramassée. Elle est un peu serrée, ramassée sur elle-même et tout ce qui l'entoure semble graviter autour d'elle.
Voici l'une de ces maisons aveugles, de celles qui ne sont pas sur la carte, une de ces maisons qui jaillissent du sol quand on ne s'y attend pas,
demeure éloignée
de celles qui poussent les autres, qui effacent les autres et qui pointent, et qui crient, qui invitent et rejettent, disparaissent en un instant.


mardi 24 juillet 2012

Paris à ces heures

Des gens. Des gens assis les uns sur les autres, collés aux vitres, coudoyant des inconnus et qui attendent, et qui prennent l'air de penser à autre chose, des gens dont les deux extrémités des lèvres n'en finissent pas de tomber, quand levant les yeux regardant à travers les vitres, ils calculent en silence le temps qu‘il leur reste à passer là. Mais il fait noir et les vitres font miroir plus profonde se fait la foule immobile et rapide. Et la lumière est intermittente, une ampoule qui ne fonctionne plus, le wagon vacille de droite à gauche dans un bruit de ferraille affûté tranchant - transperçant. Le wagon est noir deux secondes, il est noir dix secondes et quand la lumière vient c'est ce gouffre d'inconnus remuants qui se reflète dans les vitres immenses. Les élans nasillards de l'accordéoniste monté discrètement commencent à trottiner dans mes veines et oh ! Non. Dix arrêts, encore et l’accordéon -, encore à rester là, sans pouvoir bouger ; car il y a trop de personnes immobiles - il siffle - immobiles autour de moi ; et si cette lumière pouvait cesser son cliquetis d'insecte et si ce grouillement triste murmures doigts qui claquent téléphones, touches du téléphone, appel téléphonique, sonnerie du téléphone, stridulations dans le wagon, murmures et doigts qui craquent - si tous ces bruits se déliaient tout d'un coup à l'air pur, alors mon sang cesserait de s'affoler ainsi, et les petites pattes crochues de l'accordéon ne pourraient plus trotter dans mes veines. Mais enfin ma tête bourdonne, il fait chaud, il reste dix arrêts, encore, dix arrêts, à attendre, et la lumière qui s‘insinue toujours, brûlante d‘un venin impalpable, m'aveugle, tandis que les gens s'entrechoquent au moment de l'arrêt - mais ce n'est pas encore celui là. Le wagon se lève il s‘en va, reprend son vacillement et je serre un peu plus fort l'inutile barre de maintien quand trois nouveaux inconnus viennent se coller à moi parce qu'il n'y pas de place.

samedi 21 juillet 2012

des visages

Je sais. Oui, maintenant je sais à peu près quelle forme ont tes yeux. Tu sais comme c'était difficile. Dans la rue, j'ai cru les voir partout, ils étaient flous ils avaient sans doute perdu leurs contours comme une mer gonfle, brise tranquillement ses digues et part à l'aventure. Alors ils sont là, vagabonds, hésitant au coin des rues, hésitant entre un visage un autre, cherchant un visage qui ressemble au tien. Mais tes yeux, le sais-tu, n'ont jamais connu ton visage. Un a un ils essayent les visages, des figures comme on enfile au hasard un vêtement prêté, ils se serrent pour ne pas déborder. Ils peuvent longtemps hésiter, longtemps croire être arrivés ; jusqu'à ce que la personne dont  ils habitent le visage rentre chez elle. Ayant fermé sa porte elle retire le visage et de nouveau délogés, vagabonds, tes yeux s'en vont occuper d'autres visages vides, visages ouverts à tous vents. Je n'avais pas compris la forme de tes yeux, c'était moi qui les rendait vagabonds les faisait errer de visage en visage, entrer dans des salles trop étroites trop étroites pour eux.

dimanche 8 juillet 2012


L'arbre qui danse

L'arbre danse aux milliers de bras aux doigts écartés à la tête fragmentée qui vieillit, courbé, danse encore, où l'oiseau a trouvé refuge, c'est que le temps, pour l'arbre, est si long qu'on n'a pas peur qu'il s'évanouisse entre temps, quand tendu jusqu'au bout des feuilles il accueille encore le ciel.

Erlangen (à l'intérieur)


 




Chemin de terre


vendredi 6 juillet 2012

Gare

périodes où parfois le temps devrait s'arrêter, rien qu'un peu,- il attend pas il passe quand même.


--------------------VIDE INTERTEXTUEL-----------------------


se soucie pas du voyageur, s'il a traîné pendant un arrêt, consumé deux, trois cigarettes, accepté une brochure que quelqu'un lui tendait, sans penser que ça puisse l'intéresser. Trois secondes sur le quai le train
parti.

lundi 25 juin 2012

spiralique

Sans souci de ponctuation, c'est quelque chose qui au départ se fait sans souci de ponctuation grammaire ou autre. C'est celui qui écrit sur sa table à écrire sa table à lire sa table peu importe sur quoi il note ses mots, long fil qui s'entortille à dessein il se balance dans la rue se balance comme une pendule et c'est la rue qui se balance à son tour, ce n'est pas comme écrire une lettre ou n'importe quoi c'est qu'il a une toute petite tête qui se balance elle aussi tant elle est lourde sa petite tête de poète car les mots s'y pressent, foule de mots à l'intérieur tandis qu'au dehors tout semble silence, sans doute entrés par tous les sens sans autorisation sans demander pardon je sais nous sommes lourds quelques fois qu'on ne peut plus penser qu'à nous quand nous sommes là mais que voulez-vous ? ce n'est pas le moment mais ce ne serait jamais le moment pardon, que voulez-vous si on est là, on est là. S'arrête ainsi au coin d'une rue empoigne son crayon son calepin et ses tics d'écriture jette un fil très fin jailli de la pointe du stylo sans se soucier d'écrire droit, que voulez-vous ? jette sur le papier les mots qui se suivent se forment discrètement se tiennent par la main et tournent en rond tournent en rond à la file indienne en attendant leur tour se tenant par la main chaque barre de t s'allonge pour attraper la première lettre du mot qui suit en attendant, que voulez-vous, tournent en rond dans cette tête trop petite et se pressent sans souci de ponctuation d'écrire mal se moque des lignes sur la page et tire les barres de ses t presque jusqu'au bout des mots que voulez-vous ? se succèdent les mots les uns après les autres sans souci de ponctuation, puis d'un seul coup s'arrête.

démon urbain


La maison du cinéphile (Prague)

Ça déborde, chez le cinéphile, c'est plein d'images et de bobines en vrac empilées les unes sur les autres, se déroulent lentement l'une après l'autre, projettent des images d'un bout à l'autre de la pièce, sur un mur refermable ; ça déborde la maison est si petite pourtant il y a aussi plein de lunettes, des lunettes grosses comme des bobines on dirait qu'il les enfile l'une sur l'autre pour voir, deux fois plus grandes, trois fois plus grandes, toujours les mêmes scènes (jamais les mêmes) ; scènes qui se succèdent, se superposent, interminables, 
voix enfoncées dans un instant s'étirent et déchirent le passé qui les voile
demie seconde où la voix fait surface