dimanche 21 janvier 2018

Poupée I


Tu souris. Tu t'es un peu maquillée aujourd'hui. Tu as allumé quelques bougies dès qu'il a fait nuit pour réchauffer l'atmosphère comme si le froid ne venait pas que de toi. Comme si elles y pouvaient quelque chose. Tu souris. Tu es contente des rideaux qui pendent à tes fenêtres et tu passes beaucoup trop de temps à lire, à poser des questions à google en espérant à peine qu'il trouve une solution à ton angoisse qui a toutes les chances d'être de la paresse ou de la peur. Peur de dire la peur dis-la, dis ta peur toute froide et paralysante comme elle est, dis la poupée cassée qui habite là tout à gauche dans sa cage d'os dis-la comme elle est assise de biais couchée de travers la chevelure en désordre des trous parmi la chevelure et les yeux grand ouverts sur le noir tu redoutes que les autres surprennent sa peau dure et ses yeux fixes sous les paupières qui battent qu'ils la surprennent un jour borgne un œil ouvert vide et l'autre, celui qui s'agite et qui vit l'autre, caché sous la paupière sous un clignement affreux. Dis que tu aimes bien travailler parce que c'est un bon prétexte pour ne pas écrire et cesse de te plaindre, dis que tu as peur. Que tu as peur de l'écriture même de ce que tu pourras découvrir derrière les oiseaux, dis que tu vomis dis ta jalousie tes regrets tes reproches et tout ce qui sort encore et l'accompagne, dis que tu n'en peux plus, dis que tout est laid et toi aussi, dis que peu importe le temps que tu passeras à faire le ménage peu importe le nombre de bougies, si tu as fait ton lit, si tu t'es fait belle, au fond, toute la saleté qui reste dans les coins dans les tapis derrière les meubles les araignées qui meurent et celles qu'on a écrasées les taches de pourriture les insectes rampants qui se glissent dans les joints du carrelage dès que la lumière est éteinte. Dis que tu as peur, dis que tu ne sais pas, dis que cette solitude tu la désires comme on désire le gouffre qui s'ouvre et tue. Il est là, le temps, il t'ouvre grand les bras. Elle est là la solitude. Tu peux cesser de lire et de croire que tout doit être propre et que tu as encore bien besoin des autres pour t'apprendre, que tu dois relire tes carnets et toutes tes notes, c'est rejeter encore le réel à plus tard. Fais-toi peur. Fais-toi peur.