dimanche 4 mars 2012

Le voyage

Bringuebale, le transsibérien. Écrire dans ce transsibérien, transsibérien qui ne va même pas en Sibérie, traverse à peine la France. Et Blanchot qui est là, format poche, qui me dit, tiens tu sais si tu écris tu seras seule. (C’est un hasard si je suis seule dans mon compartiment.) Cendrars me manque – c’est pour ça que je ne peux m’empêcher de dire « transsibérien » – Cendrars format poche, lui aussi ; mais il est dans la valise et la valise est à l’étage.

Au milieu d'une étendue plate, bras de pelleteuses à peine sortis de terre, se replient sur eux-mêmes dans un sommeil mécanique.

Un brouillard, partout dans les villes que l'on traverse à grande vitesse, sur les rails, dans les gares. Le brouillard, cette nuit, agrandit la lumière.
                          
Jeux de lumière dans le compartiment.

Lumière éteinte, la fenêtre est un spectacle.

Lumière allumée rend la fenêtre opaque et jalouse elle me fait croire au miroir me renvoie l'image du compartiment.

De drôles de choses se passent à ma fenêtre. Du noir. Et de la lumière tout d'un coup qui fonce dans l'autre sens.

Je travaille à partir de sms envoyés dans la nuit, et de photos prises de mon blackberry. Et si, et si. 

23:08. 3 896 lumières croisées, parmi lesquelles 548 sont grillées ou défectueuses. J'ai de bons yeux. (Ces chiffres sont vrais, surtout parce qu'ils sont importants et qu'ils ne se terminent ni par cinq, ni par zéro.)

Je ne veille pas. Je sur-veille. 


23:30. Black out. Plus que du noir dans le noir, parfois, on peut voir se dessiner une forme pâle qui réfléchit la lumière du train. Train maintenant las. Black out et fin de brouillard. Train qui ne croise plus que des formes immobiles et fantomatiques.

Minuit, réverbère qui regarde vers le bas, trace une pyramide de lumière pâle indistincte. Nouvelle vague de brouillard.

Et la fenêtre se réveille. Le transsibérien se balance en sifflant doucement.

Quelques fois j'aimerais dormir, mais l'accoudoir est trop dur, les sièges, trop durs aussi.
Minuits et quelques minutes. Révélation sans incidence : la poésie c'est très simplement Poe et Tic, c'est-à-dire Edgar Poe et des tics d'écriture.


Non, je blague.

Je n'arrive pas à les saisir. J'ai longtemps essayé je me suis entraînée à attraper les maisons blanches. Elles sont comme ces étoiles pressées qu'on attrape d'un regard rapide, regrettant déjà de ne pas avoir su les voir du début à la fin. Qu'on guette toute la nuit doutant qu'elles apparaissent, et qu'on oublie juste un peu, ayant relâché l'attention, ne sachant pas où concentrer son regard, qu'on oublie de bien voir au moment où elles passent. Maisons blanches, cette nuit sont des papillons de nuit, renvoient la lumière si bien qu'ils éblouissent. Artifice pour s'en aller.

Gare. Nouvelles lumières très fortes me réveillent dans ma sur-veille.
Les maisons blanches éclairées par des lanternes. Instant de lumière intense.

Des oiseaux blancs dans la nuit, que seule la photo révèle.

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