mardi 22 mai 2012

Danse nocturne


    Voyons ce qu’elle peut faire.
    Elle peut s'allumer et s'éteindre et se rallumer au moindre caprice.
    Elle dessine deux cercles sur le mur, deux cercles concentriques où le plus petit se recroqueville, se précise quand il s'en approche, et l'autre alors se presse contre le petit avec l'air fermé de celui qui dit tu ne sortiras pas.
    Et puis quand au moindre caprice elle se détache de ce mur et s'envole à l'autre bout de la pièce, alors les contours se fondent et s'étendent, il n'y a plus que des traits de lumière immenses à transfigurer une pièce toute entière jetée dans l'ombre.
    Elle sert à désobéir, à lire sous la couette quand le clown qui chante a fini sa chanson - ce qui signifie qu'on doit dormir.
    Elle sert à faire des ombres chinoises au mur de la chambre, pour raconter des histoires qui parlent de loups et d‘indiens.
    Elle sert à effrayer la petite sœur appliquée à ne pas faire de cauchemars, à faire la drôle de tête.
    Elle fait des bonds prodigieux d'un bout à l'autre de la pièce, elle tourne sur elle-même, pivote et projette ses éclairs, se précipite aussi loin qu'elle peut jusqu'à ce qu'un corps solide lui fasse obstacle. Elle s'y écrase, parfois brisée, quand une part d'elle-même échoue sur un meuble et l'autre dans l'abîme d'un mur. La seconde d'après se relève sans peine et se remet à virevolter, à se précipiter, s'écraser, se briser peut-être mais sans douleur, secoue d'un geste vif sa couronne d'or et ainsi déroute les yeux fatigués qui tentent de la suivre.
    Capable de feindre le sommeil chaque fois que sa présence de noctambule ivre est soupçonnée par les cris qu'elle provoque, elle se rue sous l'oreiller, s'endort au fond d'un tiroir, se cache au fond du lit en imitant la mort, avant de reprendre sa valse impétueuse, la pile électrique.

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