Long jardin à dérouler, dans lequel on ne peut pénétrer qu'en employant
un détour et quelques ruses. Toutes les fenêtres sont éclatées. Il
arrive que la serre soit morte, aussi n'y a-t-il pas une plante dans les
pots dispersés. Les feuilles s'amassent d'un automne à l'autre, toute
organisation est rompue, l'eau s'écoule à l'intérieur par habitude, sans
se gêner, sans rencontrer d'obstacle.
Ailleurs la plante a repris ses droits. Dans l'ombre et le silence, la
voûte de la serre rappelle la coque d'un bateau renversé et je marche
doucement, dans les débris d'outre-monde. J'observe les oublis, ce qu'un
ancien passager a laissé, dans l'urgence du départ. Aussi les plantes,
longtemps sages et dociles, sans plus sentir ni mouvement ni rumeur, se
sont mises de concert à réoccuper l'espace. Avec la discrétion des
grands timides, lentement, elles sortent de leurs quartiers,
s'approprient des lieux qui ne leur étaient pas réservés, se ménagent
une place plus grande en poussant, dans leur épaisseur, le pot, la
pierre immobiles, qui avaient siégé là.
Seule, à présent, imposante et silencieuse, la plante règne, au fond de
la serre, laisse libre court à sa morne folie. D'un ton impérieux, elle
ordonne le désordre.
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