Elle a ce rire-là, comme celui des oiseaux entre eux, ce rire sonore et
multiple. Elle a cinq ans sans doute, peut-être moins, elle ne parle
pas comme les enfants de cet âge. Elle gazouille, elle chantonne
pour elle-même quelque mélodie qu'elle s'invente au fil de ses
voyages. Elle ne chante que quand elle se déplace, autrement, elle
est muette, oui, c'est vrai, autrement, on ne l'entend pas. Elle
vient s'asseoir quand elle en a assez du mouvement et du bruit et
elle écoute. C'est à ce moment-là que je lui raconte des
histoires, je crois que ce qu'elle veut, quand elle vient, quand elle
s'est assez dispersée dans l'espace, tout ivre d'air et de lumière,
quand elle a touché tout ce qu'il est possible d'atteindre, dans le
jardin, dans le village, quand elle a recueilli assez de bosses et
d'hématomes pour la journée, qu’elle est ainsi fleurie déformée
transformée, ce sont des histoires ; elle arrive, attirée par
une parole qu’elle ne maîtrise pas, autre que ses rires et ses
appels, elle arrive doucement craignant de déranger, elle pose des
questions, de l'air innocent qu'elle prend quand elle veut être
sage, seulement pour me pousser à raconter. Elle hésite, elle
cherche les mots pour ouvrir la parole, elle tremble un peu, encore
émue des courses et des chansons, elle pense s'asseoir, elle danse
d’un pied sur l’autre et reste debout quelques temps. Elle fait
semblant d'être sage. Pour elle, c'est comme un jeu, mais au fond,
elle voudrait être sage, elle prend le jeu très au sérieux, alors
elle tente d'apaiser en elle ce qui s'agite, ce cœur rotatif qui la
fait comète, qui la déplace pour être partout au même instant.
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