mardi 31 octobre 2017

un coeur rotatif

     Elle a ce rire-là, comme celui des oiseaux entre eux, ce rire sonore et multiple. Elle a cinq ans sans doute, peut-être moins, elle ne parle pas comme les enfants de cet âge. Elle gazouille, elle chantonne pour elle-même quelque mélodie qu'elle s'invente au fil de ses voyages. Elle ne chante que quand elle se déplace, autrement, elle est muette, oui, c'est vrai, autrement, on ne l'entend pas. Elle vient s'asseoir quand elle en a assez du mouvement et du bruit et elle écoute. C'est à ce moment-là que je lui raconte des histoires, je crois que ce qu'elle veut, quand elle vient, quand elle s'est assez dispersée dans l'espace, tout ivre d'air et de lumière, quand elle a touché tout ce qu'il est possible d'atteindre, dans le jardin, dans le village, quand elle a recueilli assez de bosses et d'hématomes pour la journée, qu’elle est ainsi fleurie déformée transformée, ce sont des histoires ; elle arrive, attirée par une parole qu’elle ne maîtrise pas, autre que ses rires et ses appels, elle arrive doucement craignant de déranger, elle pose des questions, de l'air innocent qu'elle prend quand elle veut être sage, seulement pour me pousser à raconter. Elle hésite, elle cherche les mots pour ouvrir la parole, elle tremble un peu, encore émue des courses et des chansons, elle pense s'asseoir, elle danse d’un pied sur l’autre et reste debout quelques temps. Elle fait semblant d'être sage. Pour elle, c'est comme un jeu, mais au fond, elle voudrait être sage, elle prend le jeu très au sérieux, alors elle tente d'apaiser en elle ce qui s'agite, ce cœur rotatif qui la fait comète, qui la déplace pour être partout au même instant.

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